Le chantier de conservation-restauration du portail Saint-Laurent de la cathédrale de Strasbourg a débuté il y a quatre ans avec l’installation de l’échafaudage. Depuis près d’un an, l’équipe spécialisée dans les travaux sur cordes intervient également pour assurer l’entretien continu de l’édifice. Ces travaux visent à préserver l’édifice grâce à l’alliance exemplaire entre connaissances historiques, pratiques traditionnelles et techniques modernes.

Le portail Saint-Laurent, un chef-d’œuvre de l’art gothique tardif

Orthomosaïque du portail Saint-Laurent, cathédrale de Strasbourg, crédit : F.OND, orthomosaïque : Pascal Renard
Orthomosaïque du portail Saint-Laurent, cathédrale de Strasbourg, crédit : F.OND, orthomosaïque : Pascal Renard

Le portail Saint-Laurent, situé sur la façade nord de la cathédrale de Strasbourg, est érigé entre 1494 et 1505 sous la direction du maître d’œuvre Jacques de Landshut. Ce chef-d’œuvre est un parfait exemple de l’art gothique flamboyant où s’entremêlent prouesses techniques et artistiques.

L’Œuvre Notre-Dame, Loge Suprême du Saint-Empire romain germanique depuis 1459, est au sommet de sa notoriété grâce à l’achèvement de la flèche de la cathédrale, vingt ans plus tôt. Elle fait notamment appel à deux sculpteurs de renom Conrad Sifer et Jean d’Aix-la-Chapelle qui réaliseront le programme iconographique du portail Saint-Laurent.

Le portail est plusieurs fois restauré au XIXe et au XXe siècle, et l’état sanitaire effectué en 2016 par l’Architecte en chef des monuments historiques, Pierre-Yves Caillault, a conduit à un projet de conservation-restauration global.

Interventions en conservation-restauration

L’installation de l’échafaudage dès décembre 2020 a facilité la conduite des études détaillées de janvier à octobre 2021 ; l’autorisation des travaux est accordée en décembre 2022. Le montant total des travaux financé et réalisé par la Fondation de l’Œuvre Notre-Dame est estimé à 2,4 millions d’euros.

Des laboratoires privés mandatés par la Fondation ont réalisé une série d’analyses sur des grès d’origine et de restaurations (dont les contaminations salines), ainsi que sur le béton de la dalle qui couvre le portail construite dans les années 1960 pour remplacer la couverture d’origine en grès. Par ailleurs, la gestion et la récupération des eaux pluviales ont constitué un enjeu majeur, car les infiltrations d’eau ont causé de nombreux dégâts sur les grès en raison de la migration des sels du béton vers la pierre. La solution technique adoptée pour résoudre cette problématique a impliqué la restauration complète du chéneau (sur tout le pourtour de la dalle) selon sa conception d’origine avec une capacité accrue par son élargissement, la restauration des deux trop-pleins, et la remise en service des deux gargouilles.

Le traitement en conservation du grand dais – qui abrite une scène sculptée au-dessus de la porte d’entrée – s’est également révélé délicat en raison de l’exiguïté du lieu. Les artisans-conservateurs ont testé diverses méthodes et combinaisons d’outils, notamment le nettoyage par laser, latex et micro-abrasion, afin d’atteindre un résultat optimal. Ces méthodes ont été soigneusement évaluées par l’équipe et validées par l’architecte et la conservation régionale avant leur mise en œuvre.

Les artisans ont déposé neuf des dix grandes sculptures du portail, des copies réalisées au XXe siècle, dont les originaux sont conservés au Musée de l’Œuvre Notre-Dame. Les principales pathologies concernent des altérations chromatiques (croûtes noires, dépôts atmosphériques), des détachements (désagrégations sableuses, cloques, etc.), des pertes de matière (lacunes, érosion, dégâts mécaniques) et des délitements. 

Il est à noter que 28 marques lapidaires différentes sont présentes sur le portail Saint-Laurent. D’abord inventoriées d’après l’orthomosaïque et des relevés déjà existants puis relevés en détail in situ. Ces marques sont visibles sur les jambages, les parements, les consoles et même sur quelques balustrades d’origine. Certaines sont aussi visibles ailleurs notamment dans la tour sud et le beffroi qui laisserait peut-être à penser que des interventions ont eu lieu sur ces parties de l’édifice autour de 1500.

La découverte de l’Ange à plumes

La récente découverte par l’historienne de l’art de la Fondation de l’Œuvre Notre-Dame a révélé un lien inattendu entre une sculpture en grès représentant un petit ange, appelé « Ange à plumes« , conservé dans les réserves du Musée de l’Œuvre Notre-Dame, et le portail Saint-Laurent. Malgré la présence d’un ange sur une gravure du XVIIe siècle, l’objet n’était jusqu’à présent pas associé au portail. Cependant, des détails tels que l’ombre laissée sur les parements, les traces de fixation et une reconstitution virtuelle ont confirmé que cette sculpture provient bien du portail. Les analyses du grès de la sculpture de l’Ange à plumes ont aussi mis en évidence des similitudes avec celui de la dernière sculpture d’origine encore en place (le Christ bénissant). L’ange est très bien conservé à l’inverse d’autres parties du portail, endommagées lors de la Révolution française.

À la suite de cette découverte, l’inspection générale des monuments historiques a autorisé la proposition formulée par l’architecte d’une restitution de l’Ange sur le portail Saint-Laurent. Un des sculpteurs de la Fondation de l’Œuvre Notre-Dame a réalisé une copie en grès d’après l’original, sans recourir aux pratiques habituelles (estampage, recherche des points) mais uniquement à l’œil en recherchant les plans et surtout les mouvements qui composent la forme organique de l’Ange à plumes. La pose de cette copie marquera la fin du chantier en 2025. 

Les travaux de conservation-restauration du portail Saint-Laurent témoignent des savoir-faire et de l’expertise de la Fondation de l’Œuvre Notre-Dame. La redécouverte de l’Ange à plumes, qui complétera l’iconographie du portail, en est un exemple. Des entreprises privées mandatées par l’État interviennent également sur ce chantier pour les lots couvertures, vitraux et menuiserie. L’ensemble des opérations mené promet de restituer toute sa splendeur à ce chef-d’œuvre de l’art gothique.

Les travaux sur cordes


Intervention sur cordes, tourelle d’escalier, cathédrale de Strasbourg, crédit : F.OND, photo : Simon Woolf
Intervention sur cordes, tourelle d’escalier, cathédrale de Strasbourg, crédit : F.OND, photo : Simon Woolf

Au-delà des travaux de conservation-restauration en cours, les équipes techniques de la Fondation de l’Œuvre Notre-Dame jouent un rôle actif dans l’entretien et la maintenance continue de la cathédrale, notamment à travers des opérations sur cordes. Lancées en 2023, ces interventions consistent par exemple à sécuriser l’édifice contre les risques de chutes de pierres, tant de manière curative que préventive, à surveiller les écoulements d’eau sur les parties inaccessibles de la structure, et à mener des travaux à la demande de l’UDAP (Unités Départementales de l’Architecture et du Patrimoine – DRAC Grand Est).


Grâce à la pluridisciplinarité des métiers au sein de la Fondation de l’Œuvre Notre-Dame, il est possible de mener à bien un chantier de conservation-restauration exemplaire, de développer les connaissances et de préserver les pratiques traditionnelles.