Le grès est le matériau prédominant de la cathédrale de Strasbourg, ou plutôt les grès. À meules ou vosgiens dans une moindre mesure, ces roches sédimentaires détritiques du Buntsandstein du Trias inférieur sont étudiées par différentes disciplines intervenant dans la préservation du monument :  la conservation-restauration, géologie, physique, chimie, histoire, histoire de l’art, artisanat, etc.

Les grès vosgiens

Les grès à gros grains du Buntsandstein moyen (350 millions d’années), dit « vosgiens », étaient employés à l’époque romane. Ils sont encore présents dans les parties les plus anciennes de la cathédrale, notamment dans les fondations ottoniennes et la crypte. Après leur abandon vers la fin du XIIe siècle, ils sont réutilisés lors des restaurations, des années 1960 jusqu’à la fin des années 1990. Censés être plus durables et résistants aux altérations, ils remplacent les grès d’origine à meules. Ce choix s’est avéré erroné, les raisons principales sont : le non-respect du matériau d’origine, son inadaptation à la taille de pierre et à la sculpture qui nécessitent un grès fin, et enfin il est aussi sujet à des altérations spécifiques.

Les grès vosgiens, de nuances rose à rouge, caractéristiques de la forte présence en oxydes et hydroxydes de fer, ont des propriétés pétrophysiques qui se résument par un litage stratigraphique peu marqué, une cimentation siliceuse, une forte teneur en quartz (autour de 80 %), peu d’argiles, une porosité moyenne de 18 % avec des pores et des tailles d’accès aux pores [les vides à l’intérieur du matériau accessibles par la surface. Ils définissent la porosité moyenne du matériau] plutôt grands. Ces grès ont la particularité de s’imbiber et de sécher rapidement.

Les grès à meules

Les grès à grains fins, dit « à meules », issus de la formation des grès à Voltzia, du Buntsandstein supérieur (250 millions d’années) remplacent les grès vosgiens, notamment lors de la reconstruction de la cathédrale en style gothique. La nature de ces grès est plus adaptée à la finesse de la taille et de la sculpture et au développement de l’exubérance stylistique propre à l’architecture gothique.

Les grès à meules sont de teintes variées, du rouge en passant par le jaune jusqu’au gris selon la concentration des oxydes et hydroxydes de fer. Ils sont caractérisés par un litage stratigraphique plutôt marqué, une cimentation argilo-siliceuse, une tenue en quartz autour de 70 %, une plus forte teneur en argiles, une porosité moyenne comprise entre 10 et 15 %, avec des pores plus petits et des tailles d’accès aux pores plus étroits. Ces grès ont la particularité de s’imbiber et de sécher plus lentement.1.

L’ensemble des grès à meules était exploité dans plusieurs carrières, situées entre 20 et 30 kilomètres autour de la cathédrale à l’exemple de celles des régions de Wasselonne et de Dinsheim-sur-Bruche2, ou encore à la fin du XVe siècle, celles de Brechlingen et de Gresswiller.3. Le transport était probablement terrestre par charrois de bœufs.4.

Aujourd’hui, les grès de restauration sont extraits de carrières différentes : des collines vosgiennes à des régions plus à l’est, en Allemagne. L’extension de la prospection géologique, outre la fermeture des carrières d’origine, découle de critères de sélection du matériau rendu possible grâce aux avancées techniques et des connaissances : teinte, composition minéralogique, granulométrie, masse volumique, porosité, coefficient de capillarité et d’absorption, module d’élasticité, vitesse du son, résistance à la compression, à la flexion, ou encore cycles de gélivité. Ils proviennent des carrières de Adamswiller, Langensoultzbach et Weislingen en Alsace, de Niderviller en Lorraine, de Neubrunn et Bitburg en Allemagne.

Malheureusement, de nos jours, de plus en plus de carrières qui fournissaient des grès répondant aux critères de restauration pour la cathédrale de Strasbourg ferment ou sont réaffectées à d’autres usages.

.1 JEANNETTE Daniel, Les grès de la cathédrale : origines, évolutions et altérations, Bulletin de la Société des Amis de la cathédrale de Strasbourg, vol. XXVI, 2004, pp. 157-172
.2 JEANNETTE Daniel, Les grès de la cathédrale de Strasbourg : leurs carrières d’origine, Bulletin de la Société des Amis de la cathédrale de Strasbourg, vol. XV, 1982, pp. 39-41
.3 Ibid.
.4 BENGEL Sabine, NOHLEN Marie-José, POTIER Stéphane, KELHETTER Clément, op. cit., p. 179

Source : BAUD Mathieu – À la recherche d’une méthodologie de la préservation d’objets complexes – Le cas de la cathédrale de Strasbourg.
Master de Conservation Restauration des Biens Culturels Sous la direction de Thierry Lalot – Université Paris 1/ Panthéon Sorbonne