Sculpteur praticien : un métier indispensable à la conservation-restauration des monuments historiques

Jusqu’aux années 1980, la formation de sculpteur sur pierre (praticien) durait quatre ans, avec les six premiers mois consacrés à la taille de pierre. Les techniques fondamentales du métier de praticien, telles que la mise au point à trois compas, le modelage, le moulage et l’estampage, y étaient alors enseignées. Aujourd’hui, la sculpture n’est plus étudiée que dans les établissements d’enseignement artistique, où l’apprentissage de ces techniques de copie, spécifiques aux praticiens, est devenu marginal. De plus, peu d’étudiants en art choisissent la voie de la conservation-restauration, un domaine souvent perçu comme moins valorisant ou visible que l’art contemporain qui privilégie le concept au savoir-faire. 

Face à l’absence de formations formelles, la transmission des savoir-faire du sculpteur praticien repose aujourd’hui principalement sur la relation maître-apprenti, grâce à des sculpteurs confirmés qui acceptent de partager leurs connaissances.

À la Fondation de l’Œuvre Notre-Dame, le nombre de sculpteurs est passé de 40 avant la guerre à sept ou huit dans les années 1990, et à seulement trois aujourd’hui : Albert Martz, Vincent Cousquer et Nathalie Masson. Cette diminution des effectifs s’explique en partie par la volonté de préserver autant que possible les pierres d’origine de la cathédrale, réduisant ainsi le besoin de remplacer des éléments sculptés.

Chaque membre de l’atelier a suivi un parcours unique. Albert, après une quinzaine d’années de pratique en taille de pierre, a rejoint l’atelier de sculpture et a obtenu le titre de Meilleur Ouvrier de France en 2007.

Vincent, d’abord titulaire d’un CAP de taille de pierre, s’est formé à la sculpture au sein de la Fondation, auprès d’un ancien sculpteur, et a lui aussi obtenu le titre de Meilleur Ouvrier de France en 2007. Il est également docteur en histoire de l’art depuis 2023.

Nathalie, par exemple, a suivi une formation de deux ans à l’École d’Art et de Design de Valenciennes, avant de travailler auprès de plusieurs sculpteurs expérimentés. Elle a rejoint la Fondation en 2005.

La Fondation perpétue cet apprentissage, cependant elle reçoit très peu de demandes de formation, car celles-ci ne sont pas reconnues par l’Éducation Nationale.

Le risque est réel. Le peu de formations proposées et l’absence de diplômes est une problématique pour la conservation-restauration de monuments tels que la cathédrale de Strasbourg. Bien que la Fondation poursuive la transmission des techniques de sculpture — exclusivement manuelles — pour la réalisation de copies conformes, ses sculpteurs s’alarment de constater que la machine remplace peu à peu la main humaine.

Chaque sculpture façonnée à la main incarne la sensibilité de l’artiste-artisan, un mouvement et une signification profonde que seule l’intervention humaine peut insuffler à la pierre. La disparition progressive de ces techniques artisanales menace non seulement la préservation de notre patrimoine, mais affaiblit également le lien intime entre l’humain et la matière, et efface ainsi une part de l’héritage légué par les sculpteurs du passé.